Rien n’interdit aux jeunes Luxembourgeoises de se rendre à l’école vêtues d’un foulard islamique, un hijab. A quinze jours de la rentrée des classes, la déclaration du ministre de l’Education du Grand-Duché, Claude Meisch, sonne au premier abord comme une surprise alors que son gouvernement, en place depuis décembre 2013, s’est donné pour cheval de bataille la séparation de l’Eglise et de l’Etat et la laïcisation de l’école publique. Cette annonce révèle le parcours difficile de la jeune coalition libérale-socialiste dans une société ou religieux et conservateurs ont leurs ancrages. « Il n’y a pas, à ma connaissance, de règle communément admise qui interdise le port ostensible de signe religieux à l’école », a répondu le 27 août le ministre libéral à une question parlementaire du député socialiste Yves Cruchten, qui s’inquiétait de savoir si les élèves étaient dorénavant autorisées à porter le voile en classe. « L’accès à I’enceinte du lycée est interdit à toute personne qui a Ie visage voilé ou camouflé de sorte qu’elle ne puisse être identifiée », complète cependant le ministre, excluant par là tout port de voile intégral de type burqa ou niqab dans l’enseignement public. Le député socialiste avait envoyé, par écrit, sa question en juin dernier alors qu’en prévision de sa première rentrée scolaire, le ministre avait adressé un ensemble de consignes aux lycées du pays. Le document, intitulé « Circulaire ministérielle sur les principes de neutralité dans les écoles »(voir encadré) visait, d’après le service de presse du ministère, à « mettre en commun »les informations existantes concernant la conduite à tenir pour les directeurs vis-à-vis des signes religieux à l’école. Un cas isolé monté en épingle Le Luxembourg comptait en 2004 quelque 13 000 musulmans, soit 3 % de la population du pays, en grande majorité originaires des Balkans. Autant dire que dans la pratique, dans le Grand-Duché, les cas d’élèves venues voilées à l’école se comptent sur les doigts de la main. C’est un seul d’entre eux qui a mis le sujet à l’ordre du jour du ministère de l’Education en septembre 2013. Des enseignants d’un lycée du nord du Duché ont alors saisi leur ministre de tutelle après que deux élèves d’une douzaine d’années se sont présentées pour la rentrée scolaire vêtues de hijabs. Le port du foulard islamique amenait de nouvelles questions au corps enseignant, comme par exemple celle de savoir comment concilier cette tenue avec l’impératif des cours de natation. Un cas exceptionnel et non conflictuel sur place, d’après un délégué d’enseignants, et qui avait trouvé son dénouement dans le dialogue avec les élèves et leurs parents. Pour le même délégué, l’affaire avait ensuite été montée en épingle par des enseignants de sensibilité socialiste pour amener le ministère à se positionner. Espoirs déçus d’une laïcisation à la française
Mais à l’arrivée, le pari est perdu pour le Parti ouvrier socialiste luxembourgeois (LSAP). « En plein milieu du débat sur l’instauration de la laïcité à l’école, autoriser le port des signes religieux à l’école publique n’est pas une solution », déplore Yves Cruchten. «Dans les années 1980, on a fait enlever les crucifix des classes et maintenant on y autorise les autres signes religieux, c’est absurde », se désole-t-il. Une coalition libéral-socialiste dirige le Luxembourg depuis décembre 2013, après des décennies d’hégémonie conservatrice du Parti populaire chrétiens social (CSV). Le socialiste espérait que l’arrivée des libéraux du Parti démocratique (DP) au pouvoir permettrait une laïcisation à la française du Grand-Duché. Pourtant la directive polémique du ministre reprend, en les précisant, les grandes lignes de recommandations formulées par l’ancien ministre conservateur de la Justice et des cultes François Biltgen en septembre 2012. Soit, une « une approche pragmatique »combinant la neutralité de l’Etat et la liberté d’expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l’école. Les socialistes n’ont justement plus les mains liées aujourd’hui, se défend Yves Cruchten. « La coalition avec les libéraux, c’était l’occasion unique de faire un pas vers la séparation de l’Eglise et de l’Etat et vers l’école laïque ». Ménager les conservateurs Mais justement les libéraux à la tête de l’alliance semblent quant à eux vouloir ménager la chèvre et le chou. Leur objectif de supprimer les cours obligatoires de religion catholique dispensés par des prêtres dans les écoles publiques, et de les remplacer par un cour unique, neutre et harmonisé d’éducation aux valeurs a déclenché l’ire de l’Eglise catholique et des milieux conservateurs. Le gouvernement a dû reporter la réforme à la rentrée 2015. Par ailleurs, la coalition ambitionne de faire avaler une pilule encore plus salée aux conservateurs, dans un pays où l’Eglise catholique a pignon sur rue. Elle veut mettre fin au financement des Eglises par l’Etat. Or pour ce faire, elle aura besoin en temps voulu de l’aval d’une partie des conservateurs pour faire modifier la constitution, ce qui nécessite une majorité des deux tiers de la chambre, que socialistes et libéraux n’atteignent pas seuls. Dans ces conditions, la prudence est de mise. De leur côté, les musulmans ne souhaitent pas commenter les divisions politiques que révèle l’affaire de la prétendue nouvelle autorisation du foulard à l’école. Jean-Luc Karleskind, vice-président de la Choura, l’organe représentatif des musulmans luxembourgeois a tenu à saluer la « bonne interprétation » de la loi par le ministre de l’Education. La position du gouvernement sur cette question semble rejoindre la conception de la laïcité défendue par la Choura : « L’espace public devrait être neutre et pas neutralisé. La religion ne doit pas être en être exclue mais il ne doit pas pour autant y avoir de religion d’Etat, y compris l’athéisme », conclut-il
Et aussi…
La circulaire ministérielle de juin 2014
Le texte préconise une tolérance pour les tenues spécifiques des élèves « adhérents d’un courant religieux », qu’il s’agisse du hijab pour les filles, ou du turban et de la kipa pour les garçons. Le document pose pour limites l’interdiction de se dissimuler le visage, et les obligations de participer à tous les enseignements communs aux deux sexes et de respecter les consignes de sécurité nécessaires à la tenue des cours. Elle rappelle l’obligation légale de neutralité des enseignants. Elle réaffirme la possibilité pour les élèves non-catholiques de s’absenter pour les fêtes religieuses musulmanes ( l’Aïd) et juives (Nouvel an et Pâques). Les cours manqués doivent toutefois être rattrapés. Dans tous les cas, le ministère de l’Education préconise le dialogue entre les partenaires à l’interdiction stricte. En cas de difficultés, le directeur de l’établissement doit faire appel à une médiation, via un psychologue scolaire ou un médiateur interculturel du ministère de l’Education.
article paru sur www.fait-religieux.com
Claire Gandanger | le 04.09.2014 à 10:50
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Note personnelle:
Bon ech bleiwen dobäi: et ass ëmmer schwéier ze tranchéieren (och wann een et wëll pragmatesch léisen wéi de Minister Meisch) an dofier sinn ech der Meenung mer sollen an der ëffentlecher Schoul keng reliéis Symboler, weder un de Mauren, nach op de Käpp erlaben. Virun allem musse mer eis och zu Lëtzebebuerg iergendwann däer gesellschaftlecher Diskussioun stellen, déi an eise Nopeschlänner scho laang gefouert gëtt.